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Haïti : le défi des trois scrutins du 25 octobre

A Port-au-Prince, le 7 octobre, un panneau d'affichage annonce le prochain débat des candidats à l'élection présidentielle haïtienne, prévue le 25 octobre prochain.
© (AP Photo/Dieu Nalio Chery)

Le 25 octobre prochain, les Haïtiens voteront pour le premier tour de l’élection présidentielle, les municipales et le second tour des législatives. Des élections générales complexes et confuses qui laissent de nombreux observateurs perplexes quant à leur bon déroulement. D’autant que le scrutin du 9 août dernier n’a pas été une réussite. Etat des lieux de la situation à la veille des élections.

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Premier tour de l'élection présidentielle et des municipales, second tour des législatives, le programme du dimanche 25 octobre s'annonce chargé ! Beaucoup se demandent d'ailleurs comment les électeurs vont pouvoir s’y retrouver dans cette jungle de candidats et de scrutins. « Techniquement, au niveau des modes de calcul, cela va être très compliqué, affirme Joseph Cajuste, président de l’Association haïtienne de France. 50 à 60% des bulletins seront annulés car la majorité des électeurs ne seront pas en mesure de voter correctement à cause d’une surcharge des bulletins ».

54 candidats dont 7 favoris à la présidentielle

Cette abondance de candidats aux élections, et notamment à la présidentielle est un record pour ce pays de 10 millions d’habitants. Mais c'est une « habitude » en Haïti, selon Frantz Duval, rédacteur en chef du quotidien haïtien Le Nouvelliste. « 54 candidats c’est beaucoup mais c’est très peu en même temps, assure-t-il. Être candidat à la présidence, être président d’Haiti, c’est un rêve qui est partagé par les 10 millions d’Haïtiens. Ils auraient pu être 10 millions, ils ne sont que 54 ! ».

Parmi ces 54 personnes, seulement sept favoris se dégagent. Jovenel Moïse, entrepreneur et poulain du président Martelly ; Jude Célestin, président du Parti Ligue Alternative pour le Progrès et l'Émancipation Haïtienne (LaPEH) et ex-candidat à la présidentielle de 2010 ; Moïse Jean-Charles, ancien sénateur et opposant radical à Michel Martelly ces quatre dernières années, Jean-Henri Céant, notaire et ex-candidat à la présidentielle de 2010 ; Maryse Narcisse, candidate soutenue par l’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide, Sauveur Pierre Etienne, candidat de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL) et Steven Benoit, ancien député et actuel sénateur.
Les favoris à l'élection présidentielle du 25 octobre prochain. De gauche à droite et de haut en bas : Jude Célestin, Jovenel Moise, Steven Benoit, Jean-Henry Céant, Maryse Narcisse et Moise Jean-Charles.

Le président Michel Martelly a surpris la population et les observateurs en choisissant Jovenel Moïse, un entrepreneur de l’agro-industrie, comme candidat de son parti à la présidentielle. « Il possède une plantation de bananes avec laquelle il va essayer de remettre Haïti sur la carte des exportateurs de bananes », précise Frantz Duval. Et d’ajouter : « Le président a cherché un Haïtien avec une success story et essaie de faire passer l’image du changement, de la modernité, d’une certaine espérance ».

« Personne n’aurait parié un centime que Michel Martelly, président de la république choisirait Jovenel Moïse, inconnu du paysage politique pour porter les couleurs PHTK à la prochaine présidentielle », pouvait-on lire le 17 juin dernier dans un article du Nouvelliste. « On pensait qu’il allait choisir son ancien Premier ministre », souligne, de son côté, Joseph Cajuste. Et pourtant.

La Première dame haïtienne, Sofia Martelly (au centre) accompagnée de son mari le président Michel Martelly, met son bulletin dans l'urne, lors des élections législatives du 9 août. Ces élections avaient été repoussées durant trois ans.

© (AP Photo/Dieu Nalio Chery)

Des élections sous tension

La complexité de ces élections inquiètent les observateurs. Lors d'une visite en Haïti mardi 6 octobre, John Kerry, le secrétaire d'Etat américain a appelé les Haïtiens à voter en nombre et sans violence. Une annonce qui intervient au moment où certains dirigeants politiques d’opposition émettent l’idée de composer un gouvernement de transition. La raison ? Leur manque de confiance dans le conseil électoral provisoire (CEP) qui organise les élections et le mauvais souvenir des incidents du 9 août dernier, date du premier tour des législatives. En effet, le scrutin avait été émaillé de violences et de fraudes, provoquant l’annulation des votes dans près d’un quart des circonscriptions.

Pour assurer un bon déroulement des élections et éviter tout débordement le 25 octobre, l'Union européenne a mandaté 74 observateurs qui seront présents  à travers les dix départements du pays. L'Organisation des Etats américains (OEA) aura pour sa part 125 observateurs sur le terrain le 25 octobre (contre 28 seulement le 9 août). Quinze organisations de la société civile haïtienne ont également été autorisées, par le conseil électoral provisoire, à déployer leurs observateurs dans les bureaux de vote. Le réseau national de défense des droits humains aura, à lui seul, environ 700 personnes pour veiller à la bonne tenue du scrutin. L'ONU juge "encourageantes" les mesures prises par les autorités haïtiennes pour assurer la poursuite dans le calme des élections en Haïti.

Les enjeux

Si le dispositif de sécurité a été renforcé, les élections ne semblent pas susciter un grand enthousiasme chez les Haïtiens, selon Frantz Duval. Il y a deux mois, les législatives avaient mobilisé seulement 18% des électeurs. Pourtant, les enjeux sont nombreux dans un pays qui, cinq ans après le séisme ravageur qui a tué plus de 200 000 personnes, reste dépendant de l’aide internationale.

Lire notre article : Haïti : cinq ans déjà, de séisme en secousses

Peu de bâtiments ont été (re)construits et l’économie du pays est précaire. Six des 10 millions d'Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 2,5 dollars de revenus par jour. Chaque année, 100.000 jeunes sortent du système éducatif sans pouvoir trouver un emploi. Et plus de cinq ans après le séisme, 85.432 sinistrés vivent toujours dans des camps de fortune, selon Amnesty International.

La crise politique des derniers mois n’a pas arrangé les choses. Faute d’élections depuis l’arrivée du président Michel Martelly au pouvoir en avril 2011, le Parlement a été dissous le 13 janvier dernier. Une situation qui a poussé les partis politiques d’opposition à demander la démission de Michel Martelly. « Sur le plan institutionnel, le bilan de Martelly est un véritable échec. Depuis 4 ans, il n’a pas organisé d’élections. Aujourd’hui il n’y a pas de Parlement et les collectivités territoriales sont administrées par des agents intérimaires qu’il a nommé lui-même… », note le rédacteur en chef du Nouvelliste.

Si le bilan politique de l'actuel président haïtien suscite beaucoup de réactions négatives, les observateurs reconnaissent qu'il a énormément oeuvré à la restauration de l'image d'Haïti. «Le gouvernement a beaucoup communiqué sur le tourisme, ce qui est une très bonne chose, assure Joseph Cajuste. On ne va pas développer le tourisme en un seul mandat, mais il faut continuer sur cette voie. »

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